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Forges de l'Adour : de l'usine à la cité

Au début des années 1880, l'implantation d'un important complexe sidérurgique a profondément modifié le paysage et la vie de Tarnos. Activité majeure durant la première moitié du XXème siècle, drainant des ouvriers de toute la France, l'usine a aussi été à l'origine de la création de tout un « village » : la cité des Forges.

Exposition réalisée dans le cadre de l'inauguration de l’Église des Forges - 2008 – Réalisation Ville de Tarnos. Documents actualisés et complétés en janvier 2016.

L'implantation de l'usine des Forges

Tarnos en 1881

En 1881, la commune de Tarnos, dont le système agraire repose sur la culture et l’élevage traditionnels, compte un peu moins de 1800 habitants. Pauvre en ressources naturelles, ce territoire situé à l’extrême sud du département, devient pourtant le premier pôle du monde ouvrier landais.

L’implantation des Hauts Fourneaux, Forges et Aciéries de la Marine et des Chemins de Fer, plus communément appelés « Usine des Forges de l’Adour », ont profondément bouleversé le paysage économique et social du bassin de vie.

26 hectares pour l'acier et la fonte

L'usine, d'une superficie de 26 hectares environ, est construite entre 1879 et 1882. La première « mise à feu » date de 1883. Dès leur mise en route, les Forges constituent un complexe sidérurgique entier, unique dans le sud-ouest de la France tant par son importance, ses productions, ses formes et ses rythmes de travail. Les Forges fournissent la totalité des rails à la Compagnie des chemins de fer du Midi, en plein développement, et devenir l'un des premiers producteurs de fonte et d'aciers spéciaux.

Vue générale des Hauts Fourneaux des Forges de l'Adour. 1911, Ville de Tarnos

La transformation de Boucau et Tarnos

De 1883 à 1965, les Forges de l’Adour assurent l’essor des deux localités industrielles sœurs, Tarnos et Boucau. Toute la vie locale des deux cités s’organise autour du travail aux Forges ; la population tarnosienne a presque doublé en vingt ans, passant de 1788 habitants en 1876 à 3071 habitants en 1896.

L’implantation de l’usine attire une main d’œuvre venue de la Loire, du Creusot, des centres industriels du Massif Central mais également de Belgique et d’Espagne. Le recrutement se fait également sur place ; les salaires complémentaires issus du travail de l’usine venant s’ajouter à l’exploitation de la terre.

L’arrivée de ces nouveaux habitants éveille l’antipathie de certains qui les accusent de « venir mettre la famine dans le pays ». Le principal reproche adressé à ces « estrangés » était que les femmes portaient le chapeau !

Atelier de chaudronnerie. Non daté, Ville de Tarnos

Le choc de la fermeture

Dans le contexte de redéploiement sidérurgique de l'après Seconde Guerre Mondiale, le site des Forges, considéré comme moins rentable, est fermé.

Après 80 ans d'activités, la fermeture de l'usine est officiellement annoncée en 1962, condamnant ainsi le principal pôle industriel du département et au chômage près de 1600 ouvriers. Avant même la fermeture effective du site en 1965, la lutte s'était toutefois engagée pour le développement de nouvelles activités et l'implantation de nouvelles entreprises sur place.

De ce contexte naît un plan de reconversion ambitieux qui acquiert rapidement une forte influence régionale.

Vue aérienne des forges. 1957

L'organisation architecturale du quartier

Dès le démarrage de l’usine en 1883, la compagnie érige les premiers logements pour les employés. Différents ensembles architecturaux sont alors construits.

Un ordre social précis

Des « casernes » (habitations destinées aux ouvriers), aux villas des ingénieurs, en passant par les îlots des contremaîtres et la maison de la direction, les bâtiments révèlent un tracé urbain selon un ordre social précis. Les « casernes » sont ainsi séparées des logements des contremaîtres par les édifices à vocation publique, comme l’école des Sœurs de la Sagesse ou encore la chapelle.

Créée de toute pièce, la cité des Forges renvoie au modèle des grandes cités industrielles du Nord et du Centre de la France et tranche avec l'architecture locale ; sa conception même est à l’image de la politique paternaliste menée par Claudius Magnin, premier directeur de l’Usine jusqu’en 1909.

 Rue de la Cité. Non daté, Ville de Tarnos

Une ville dans la ville

Dès la fin du XIXème siècle, la Cité des Forges se dote d'équipements publics tels que la coopérative, l'école ou encore l’Église. Jacques Vergès, ancien ouvrier de la cité témoigne d'une véritable « puissance de la Direction des Forges » : « [elle] est telle qu’elle a une emprise quasi-totale sur la vie sociale, politique et culturelle de Boucau et de Tarnos ».

Devenue citadelle industrielle en l’espace de quelques années, Tarnos voit ce nouveau quartier se développer, véritable « ville dans la ville », caractérisé par une profonde cohésion sociale fondée sur l’honneur d’être ouvrier aux Forges.

Inscrite en Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP) en 2006, la Cité des Forges reste le témoin visible de l'histoire industrielle de Tarnos.

Vue axonométrique de la Cité des Forges, réalisée par Dominique Duplantier

Luttes à l'usine des Forges

A la fin du XIXème siècle, les conditions de travail à l'usine des Forges sont effroyables. Les forgerons ne sont pas insensibles aux idées socialistes naissantes. Le syndicat des métallurgistes CGT est créé en 1897. Une première grève éclate cette même année.

Le traumatisme que provoque la guerre de 1914-1918 renforce également l'adhésion au mouvement socialiste qui aspire à la paix. En 1919, François Graciet, militant socialiste, est élu Maire de Tarnos. Avec ses amis, il adhère au tout nouveau Parti communiste créé en 1920. Boucau, au destin étroitement lié, fait le même choix.

En 1920, une importante grève paralyse l'industrie pendant 50 jours. Le syndicat ouvrier organise des « soupes populaires » ravitaillées par les métayers du Bas-Adour, solidaires du mouvement ouvrier.

En 1930, le mouvement de grève reconduit mobilise la classe ouvrière pendant un mois. L'état de siège est déclaré, Boucau et Tarnos sont occupés par 800 gardes mobiles à cheval. Les maires des deux communes sont révoqués et les militants syndicaux emprisonnés.

Article du journal L'Humanité. 1930