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Témoignages d'Anciens Résistants

René Desquerre raconte

L'arrestation de son père, Charles

« La nuit du 26 au 27 octobre 1942 reste douloureusement gravée au plus profond de mon être. J'ai 18 ans, nous avons dépouillé du maïs toute la soirée. Des voisins nous ont aidés, comme c'est la coutume. L'éclairage était occulté... Vers 21h, chacun a regagné son domicile... Couvre-feu...

Un peu avant minuit des coups violents ébranlent la porte de la maison. « Police, ouvrez ! ». Ma mère ouvre aussitôt. Deux hommes, excités, revolver au poing sont là. Je me lève et je reconnais deux habitués de la ligne d'autobus que je rencontrais tous les jours en allant au lycée. « C'est toi que nous venons chercher. C'est pour un simple interrogatoire. Habille toi. ». Je me prépare pendant que l'on fouille dans mes affaires scolaires. Un paquet de tracts attend sous la pile de livres... Ma mère pleure, ma tante essaie de raisonner les sbires « français ». Je m'agite pour détourner l'attention... J'ai droit au canon du pistolet sur la tempe. Mon père, réveillé par le tumulte, surgit et s'écrie : « Qu'est ce que c'est ? ». On le fait taire très brutalement... Je suis prêt.

Embrassade à mes parents, ma tante et ma grand-mère. Lorsque je passe la porte de la maison, encadré par les hommes armés, une voix dans le noir à l'extérieur – un gendarme sans doute – crie :
« Vous vous trompez, ce n'est pas celui-là, c'est l'autre !
- Mais l'ordre est bien d'amener le jeune !
- Desquerre le Jeune, c'est moi !, dit mon père comme soulagé. J'ai un frère aîné prénommé Charles comme moi. Pour nous distinguer, on m'appelle le Jeune ».

Stupeur, douleur, crainte et désarroi. On me force à me recoucher. Et mon papa disparaît dans la nuit. Je ne l'ai jamais revu. Mon père venait de se sacrifier pour moi. »

Témoignage recueilli en 1999.

La libération de Tarnos

« Au matin du 20 août 1944, un cri : « Ils s'en vont ». Et c'était vrai, mais incroyable ! Ils partent, lamentables – des vieux et des enfants de 16 ans – aspirés par le front russe et les combat de Normandie, poussés par la peur du « terroriste », sur un fond d'explosions assourdissantes : le Mur de l'Atlantique volait en éclats, des navires étaient coulés dans l'Adour.

Dès que le départ de l'occupant était certain, nous avons vécu la minute présente, sans nous poser trop de questions, sans mémoriser expressément, sans même penser qu'il s'agissait d'un sommet de notre vie. Nous partions en avant, dans une sorte d'ivresse, de besoin de réparer nous ne savions quoi, avec en arrière-plan une douleur profonde qui d'ailleurs nous a accompagné toute notre vie. Cinquante ans après, la plaie est toujours vive. Tout ce que nous avions perdu, amis, parents, assassinés, notre jeunesse évanouie, sacrifiée, la peur que cela ne soit pas terminé, créait en nous une angoisse que nous ne pouvions maîtriser. Malgré la joie de notre délivrance, nous percevions notre avenir sombre. Tout était désorganisé, détruit, plein de pièges et de trahisons. Voilà l'état d'esprit dans lequel nous vivions à moitié éveillés d'un cauchemar atroce. »

Témoignage recueilli en 1994.

Ses camarades disparus

« Nous ne demandions rien pour nous. L'engagement était naturel, total. Beaucoup furent des héros. Chaque sentier, chaque maison un peu ancienne parle des chers disparus. Je les vois marcher, je les entends, je leur réponds.

Mon papa, ton regard si direct, si franc, si doux, m'a tant manqué alors que j'avais tant besoin de soutien. J'aurai voulu avoir tes conseils pour tous les actes importants de la vie. Tu es mort d'épuisement, à Oranienburg, sur le chemin d'essai des chaussures de la Wehrmacht.
Marcel Glize, mon copain, nous avions 18 ans... Bravant les interdictions, nous chantions des chants prohibés, nous partagions le paquet de tracts à diffuser. Je sais que tu es mort à Oranienburg, assassiné à coups de trique par un kapo sadique, sous les yeux de ton père qui n'a pas survécu.
Joseph Lavigne, ton regard timide et suppliant me parle de tes qualités orphelines.
Paul Biremont, torturé au Fort du Hâ est décédé à Oranienburg.
Raoul Bramarie, mort à Buchenwald, Séverin Latapy, Joseph Saint-André, François Abadie, morts à Oranienburg.
Jean Paillé, Alexandre Hargous, morts pour avoir commis le crime d'être employés à la mairie de Tarnos.
André Dubois, notre bon "Titi" ; Félix Concaret, toujours de bon conseil, tous deux aimés de leurs élèves. Partis par le dernier convoi : le convoi fantôme.
Jean Mouchet qui m'a sauvé la vie en octobre 1942, a été fusillé à Souge au moment de la Libération.
André Bouillard, qui m'a protégé en 1943, héros tué au combat à Bordeaux. Albert Castillon, mon petit camarade de classe, m'avait rejoint à Chiberta... Il fut tué à la Pointe de Graves.

Et vous tous... la liste est longue de ceux qui ne sont pas revenus. Vous êtes mon refuge, ma règle de conduite. (...) Si la horde Nazie a détruit votre corps, les brutes ne sont pas venues à bout de votre âme qui ne disparaîtra jamais. »

Témoignage recueilli en 2006.

Albert Descoutey raconte

L'arrestation de Marcel Glize

Marcel Glize

Albert Descoutey

« Quand le camion s'arrête devant le domicile de Marcel Glize, un policier vient frapper aux portes. Devant. Derrière la maison. Il frappe, il insiste. Rien n'a bougé. Il s'apprête à remonter dans le camion, quand tout à coup : une lumière ! Une lumière s'allume. Satanée lumière !

Marcel Glize décédera à Sachsenhausen, après avoir subi un matraque féroce sous les yeux de son père. Ils ne devaient jamais revoir le Boucau. »

La résistance à Boucau et Tarnos

A l'occasion des commémorations des 70 ans de la rafle des Résistants des 26 et 27 octobre 1942, Albert Descoutey revient, en images, sur la Résistance dans nos deux villes communistes de Boucau et Tarnos.

Lucienne Montot-Ponsolle raconte

Son arrestation

Lucienne Montot-Posolle

« Avec ma cousine Pierrette, sa mère et Mme Lafourcade, nous fûmes arrêtées par la Gestapo pour avoir aidé des jeunes gens à passer en Espagne. […] Ma cousine avait des amies à Saint-Jean-Pied-de-Port et ainsi simplement se créa une « filière » de passage en Espagne.

Je travaillais à la Mairie. A la demande de ma cousine, je validais les cartes d'identité, plus ou moins fausses, et je fournissais à ces jeunes des certificats prouvant leur résidence à Tarnos, depuis plus de six mois. Ces papiers étaient souvent demandés à la gare par la police allemande. Notre petit manège fonctionna bien pendant un certain temps, mais indiscrétion, dénonciation, ou maladresse, un des jeunes se fit arrêter. […] Il fut livré à la Gestapo, ainsi que les jeunes filles venues au rendez-vous fixé d'avance.

Voilà comment le 18 mars 1943, nous nous sommes toutes retrouvées à Biarritz, à la Maison Blanche, un hôtel transformé en prison. Personnellement « cueillie » à mon domicile le soir, on m'autorisa à rentrer afin d'être interrogée le lendemain. Cet interrogatoire eut effectivement lieu le lendemain. Il se termina... vingt-sept mois plus tard. »

Témoignage recueilli en 1994.

Son arrivée au camp de Ravensbrück

« Au matin du 3 février, c'est l'arrivée. Le train est arrêté en rase campagne, semble-t-il, les portes sont ouvertes à grand fracas. Il faut sauter à terre. Les vociférations des soldats allemands nous déconcertent. On nous bouscule. Nous comprenons qu'il faut se mettre en rang par cinq. Et cette colonne que nous formons, comprenant 950 femmes, s'ébranle dans la nuit vers un immense mur éclairé par des projecteurs.

Nous entrons dans le camp. Une sirène se met à hurler. Nous découvrons une file de bâtiments tous identiques. Certains sont ornés de rideaux, d'autres – ceux des S.S. – de fleurs. Des femmes nous regardent passer, toutes sont vêtues de la même robe rayée, la tête rasée. On nous dirige vers un bâtiment vide. Des femmes, en uniforme sous une cape noire, nous accompagnent, certaines tiennent un chien berger allemand en laisse. Nous restons là deux ou trois jours, le temps d'organiser l'installation rendue compliquée vu le nombre d'arrivantes, pensions-nous.

C'est exact, au cours de ces journées d'attente, nous recueillons des renseignements sur la vie des camps : réveil tous les jours à 3h30 du matin. Appel devant le block. Départ pour le travail. Ravensbrück, c'est le nom de l'endroit où nous sommes, est un camp de travail, entouré de barbelés électrifiés, surveillés nuit et jour, éclairé la nuit par des projecteurs. Tous ces détails nous semblent incroyables. De plus, ajoutent quelques initiés, il paraît qu'on nous prend tous nos bijoux, toutes nos affaires personnelles. « C'est impossible » est la réaction la plus courante. Hélas, tout est bien vrai, et même pire. Un premier appel vient le confirmer. Il faut sortir, nous ranger par dix, rester debout et attendre. On nous compte, on recompte. Ce sera un exercice journalier. »

Témoignage recueilli en 1994.

La libération des camps

« Lorsque les troupes anglaises franchirent les portes du camp, nous apportant cette libération tant attendue, nous étions à bout de force, presque incapables de nous réjouir. Des loques humaines pitoyables ! Nos conditions de survie étaient devenues si épouvantables que nous n'arrivions plus à réagir. […]

Au fur et à mesure que les alliés avançaient à l'Est et à l'ouest, on avait rassemblé, venant des camps dispersés en Allemagne, tous les déportés, dont pas un ne devait échapper à son destin. ».

Témoignage recueilli en 1994.

André Arlas raconte

Les Résistants de la « première heure »

Andre Arlas

« C'était tous des hommes exceptionnels, adhérents pour la plupart au Parti Communiste depuis sa naissance en 1920, pour que ne se renouvelle pas la boucherie de 14-18, pour que les Hommes soient considérés comme des Hommes, et non comme des bêtes.
C'était des hommes courageux.
C'était des hommes patriotes, qui aimaient la France, des hommes pour qui communiste et patriote étaient deux mots indissociables. »